La couverture sédimentaire crétacé supérieur-Paléocène
La couverture sédimentaire Crétacé supérieur - Paléocène s'organise en une mégaséquence continue de marge passive, à caractère détritique grossier, péri-continental vers la base (syn-rift) et marin transgressif fin vers le sommet (post-rift).
La série débute par un conglomérat basal discordant sur les unités anté-sénoniennes amalgamées et se poursuit par des sédiments terrigènes circa-littoraux à niveaux de charbons ("Formation à charbon"). Les zircons des grés quartzeux sont soit empruntés au substrat mésozoique, soit archéens (Aronson et al., 1970). Des intercalations volcaniques prennent place dans la région de Nouméa et du Diahot. Dans la région de Nouméa, au côté des produits pyroclastiques on trouve des coulées de basalte andésitique, andésite, trachyte, rhyolite (ignimbrite) et des sills basaltiques. Ce volcanisme est de type calco-alcalin à alcalin potassique, les termes les plus acides pouvant provenir d'un mélange de manteau supérieur métasomatisé et de croûte continentale inférieure (Black, 1995).
Dans le bassin du Diahot on trouve des tholéiites à affinités d'arc (IAT) et des rhyolites-dacites associées à des amas sulfurés polymétalliques à métaux de base et or.
Vers le haut de la série, les dépôts terrigènes s'affinent en une succession de siltites et argilites riches en sulfures et matière organique, à nodules fossilifères (niveau des "Mamelons rouges", Tissot & Noesmoen, 1958). Ces niveaux sont datés du Coniacien au Campanien par des faunes d'ammonites et d'inocérames (Paris, 1981). Ils passent en continuité à des cherts noirs riches en matière organique et sulfures ("phtanites" de P. Routhier, 1953) Maastrichtiens à Paléocène basal. Ces dépôts caractérisent un contexte hémipélagique à pélagique et un environnement anoxique consécutif à la subsidence thermique post-rift. Dans le nord du territoire la partie sommitale de cet ensemble passe progressivement et en conformité à des micrites pélagiques à organismes planctoniques paléocènes.
Ces formations sédimentaires ont leurs équivalents en Nouvelle-Zélande : "Coal measures" pour la "Formation à charbon", Whangai formation pour les cherts noirs (Moore, 1988), Amuri limestone pour les micrites paléocènes (Hollis et al., 2005).
Le flysch éocène (Gonord, 1977) se dépose en réponse à l'entrée progressive de la ride de Norfolk dans la zone de convergence. Ces dépôts dont le caractère turbiditiques est de plus en plus affirmé au cours du temps, sont en continuité sédimentaire avec les précédents au Nord et discordants sur l'avant pays au Sud. Ils correspondent à une méga-séquence de plus en plus grossière tendant vers un olistostrome sommital qui précède l'obduction des nappes ophiolitiques. Ils présentent une double alimentation caractéristique, en provenance des unités de la plaque subduite (ride de Norfolk) et du complexe d'accrétion avant arc (unité de Poya ou bassin sud loyaltien).
L'évolution verticale du flysch (successivement carbonaté, volcanoclastique et enfin wild flysch) traduit le déplacement global horizontal de la plaque chevauchée vers la zone de collision, passant par la voussure avant arc, puis plongeant vers la fosse avant d'être entraînée dans la zone de subduction (Cluzel et al., 1998). La ride de Norfolk s'engage vers le Nord de manière oblique dans la zone de subduction, les dépôts du flysch se propageant en réponse vers le Sud. Une certaine proportion du flysch, le plus précoce, a probablement été entraînée dans la zone de subduction et incorporée dans le protolithe métamorphique de haute pression - basse température du Nord calédonien où il n'est plus reconnaissable.
Les turbidites (calciturbidites) les plus anciennes se déposent en continuité sur les micrites paléocènes dans le Nord du territoire. A l'opposé, sur l'unité de Téremba, dernier élément à s'engager dans la collision avant blocage de la subduction, la base du flysch est soulignée par des calcaires récifaux à péri-récifaux (calcaires de Uitoé) de l'Eocène terminal - base de l'Oligocène, surmontés par des grés et conglomérats continentaux. Entre ces deux extrêmes le flysch peut atteindre localement 4000 mètres d'épaisseur (anticlinal de Bourail), ce dépocentre traduisant la mise en place d'un bassin flexural d'avant pays (foreland basin) dans le Sud (Bourail à Nouméa).
Le flysch carbonaté inférieur est alimenté par la plateforme qui s'établit sur le bombement avant arc. Le flysch volcanoclastique supérieur est alimenté par des clastes dont le chimisme caractérise l'unité de Poya en cours d'écaillage dans le prisme d’accrétion avant arc.
Le flysch précoce du Nord et son substrat (calciturbidites, séries Crétacé supérieur - Paléocène et lambeaux mésozoïques) sont déversées au sommet du flysch le plus récent au Sud, d'abords sédimentairement, sous forme d'olisotlithes, puis tectoniquement pour former la nappe des Montagnes blanches systématiquement coincée entre les termes supérieurs du flysch et la base des nappes ophiolitiques.
Localement (Népoui, Koumac), des petits bassins transportés (piggy back basins) de flysch monogéniques basaltiques se déposent sur l'unité de Poya en cours d'accrétion dans le bourrelet avant arc (Cluzel, 1998).
L'ensemble du flysch est remarquablement dépourvu d'éléments remaniés de la nappe des péridotites ou d'un arc volcanique éocène contemporain de la subduction. Le flysch est à son tour coiffé par les nappes ophiolitiques : unité ou nappe de Poya puis nappe des péridotites.