La Nappe des Péridotites
La Nappe des Péridotites (Avias, 1967) qui occupe un tiers de la surface de la Grande-Terre est un élément fondamental dans le paysage, la géologie et l'économie de la Nouvelle-Calédonie. Son obduction est une conséquence du blocage de la subduction par arrivée de la ride de Norfolk, de nature continentale, dans la zone de convergence au cours de l'Eocène.
Il s'en suit l'exhumation du complexe métamorphique profondément enfoui au Nord et la remontée de la ride à travers le manteau supra-subduction. Sur la côte est, la nappe des péridotites est enracinée dans le basin des Loyauté dont elle représente (Collot et al., 1987) le substrat. Sur la côte ouest le chapelet de klippes ultrabasiques pourrait représenter les restes d'une unité détachée du front de la nappe.
La séquence mantellique est de type harzburgite-dunite. Des lherzolites sont connues au Nord, dans les massifs de Thiébaghi, Poum et les Bélep (Sécher, 1981 ; Moutte, 1982). Partout ailleurs on trouve des péridotites appauvries, réfractaires, ayant subit un fort taux de fusion partielle (non cogénétique de l'unité de Poya). Dans le Sud de la Grande-Terre et à l'île des Pins, plusieurs corps de gabbros cumulats s'individualisent au sein des dunites de transition. Complexe filonien et basaltes crustaux sont absents (absence originelle, dénudation post obduction, érosion tardive ?).
Les péridotites portent la signature typique du fluage asthénosphérique, déformation ductile de haute température ou fabrique mantellique, se traduisant par une foliation planaire, une ségrégation et une linéation minérale d'étirement (affectant péridots, orthopyroxènes et spinelles). L'ensemble des marqueurs de la déformation est homogène (étirement N. 160°) à l'échelle du territoire (Prinzhofer et al., 1980) et ne subit que des fluctuations locales, preuve que les massifs aujourd'hui séparés faisaient initialement partie d'un ensemble unique, la zone d'expansion étant donc orientée perpendiculairement soit EW.
Les péridotites sont recoupées par un cortège de filons ultrabasiques, basiques, boninitiques, feldspathiques, granitoïdes qui ne se retrouve jamais (à l'exception des grano-diorites les plus récents) dans le substrat autochtone ni dans l'unité de Poya et sont donc anté-obduction. Certains faciès sont pegmatoïdes, témoignant du rôle important d'une phase fluide.
D'autres filons ont des paragenèses rodingitiques caractérisant l'hydratation du manteau de la plaque chevauchante par la croûte de la plaque chevauchée. Une partie des filons présente des déformations ductiles (amphibolites). Les âges moyens dans les filons de compositions acides du massif du Sud (U/Pb sur zircon, Cluzel et al., 2006) sont de 53 Ma. Ce cortège se serait mis en place en contexte supra-subduction. Il indique un âge minimum pour le début de la convergence qui est cohérent avec celui des séquences de flysch les plus précoces.
Deux intrusifs plus importants (granite calco-alcalins de Saint-Louis à 32-27 Ma et de Koum à 27-24 Ma, U/Pb sur zircon, Cluzel et al., 2005) recoupent à la fois les péridotites obductées et leur substrat durant l'Oligocène. Leurs compositions géochimiques et isotopiques sont compatibles avec une origine mantellique dans un arc volcanique non contaminé par de la croûte continentale, reliée à une courte période de reprise de subduction sur la marge ouest de la ride de Norfolk (Cluzel et al., 2005).
En Papouasie-Nouvelle-Guinée des unités ophioloitiques comparables à celles de Nouvelle-Calédonie sont obductées vers le SW sur la zone continentale australienne (Papuan Ophiolitic Province). La Papuan Ultrabasic Belt comprend les éléments classiques d'une ophiolite avec une séquence mantellique, des gabbros isotropes et cumulats, un complexe de dyke et des basaltes en pillow.
Ces derniers contiennent des intercalations de sédiments crétacés supérieur et paléocène supérieur. Des filons de compositions très variées (felsiques, boninitiques) datés de la transition Paléocène-Eocène sont mentionnés. Cet ensemble repose au SW sur un complexe métamorphique de haute-pression (Owen Stanley Metamorphic) dont le protolithe est d'âge crétacé à paléocène (Whattam, 2008).